Construit sur une voie romaine, le village de Bricon est très ancien. On y a trouvé, à diverses époques, des pointes de silex, des médailles et des pièces d’or, d’argent et de bronze avec d’autres objets qui prouvent son antiquité.
Le territoire de Bricon était compris dans le pays des Lingons alliés des Romains. L’agglomération qui comprenait Bricon et Blessonville s’étirait sur cette partie de la voie importante qui reliait Langres à Bar-sur-Aube. Une garnison romaine, très certainement installée sur le Mont-Saon, était chargée d’assurer la sécurité locale de la chaussée.
C‘est en 264 que commencèrent les invasions barbares qui mirent en péril la région. Crocus, roi des Alamans s’empara de Langres (Andematunum) et pilla la ville. En 301 ce furent les Germains qui capitulèrent devant Langres, battus par les armées de Constance Chlore. Nous ne savons pas si ces épisodes eurent des conséquences notables sur notre village mais il est vraisemblable que les incursions suivantes furent catastrophiques. Tout d’abord ce fut un nouveau raid des Germains en 361. Ils marquèrent leur passage dans la région par des incendies et des massacres. En 411 les Vandales, les Suèves et les Alains firent de même puis en 451 ce fut le reste des armées d’Attila, battues aux champs catalauniques, qui descendirent sur Langres en passant par la voie qui traverse le village. Les Huns ne laissèrent que des ruines sur leur passage. Ce fut sans doute la fin de notre agglomération primitive.
L‘an 456 marqua la fin de la période gallo-romaine pour Bricon. Gundiock, roi des Burgonde, qui s’était emparé de Langres étendit sa domination jusqu’à Auxerre, Sens, Montereau et Troyes. Bricon fut donc définitivement compris dans l’emprise Bourguignonne et resta dans cette juridiction jusqu’à la révolution de 1789.
En ce bas Moyen-âge, à partir de 874, parmi les pièces de monnaies courantes, certaines étaient frappées à Langres. On les appelait les Lingoins. Elles persistèrent ainsi jusque sous François 1er. C’est aussi à partir de cette période que commencèrent les incursions normandes. Elles furent particulièrement dévastatrices entre 890 et 915. Exaspérés par ces barbaries incessantes, les grands seigneurs de la région s’unirent contre les Normands. Ils les rencontrèrent prés de Chaumont (peut-être à Autreville, à côté de Bricon, sur la côte de la Bataille) et les mirent en déroute.
Lors de l’établissement de la féodalité, les seigneurs de Bricon occupèrent un rang important dans le pays. Le château était construit sur la hauteur qui domine le village et qu’on appelle “la Craie”. Il constituait une forteresse Bourguignonne avancée en enclave dans les terres de Champagne. Le seul vestige qui reste de ce château est la chapelle castrale qui servit de base à la construction de l’actuelle église et qui subsiste dans la partie gauche du transept où se trouve l’autel de la Vierge.
Une charte de 1101 mentionne le nom de Brecons, en latin Brecinoe. D’autres écrits, un peu postérieurs, orthographient Bricons.
En 1164, Simon de Bricon fait des donations à l’abbaye d’Auberive. En 1178, il fut le bienfaiteur de la Maison des Templiers de Voulaines. En 1197, Simon est témoin des dispositions prises par le sire de Châteauvillain pour assurer le douaire d’Isabeau de Dreux. A la fin de sa vie, il prit l’habit religieux à l’abbaye de Clairvaux. Simon avait réuni à ses domaines une partie de la seigneurie de Marac. Son second fils, Renier de Bricon, sera d’ailleurs seigneur de Marac et sénéchal de la ville de Langres. Il sera marié à Marie de Bay. Guy de Bricon vendit sa seigneurie à la maison de Châteauvillain au début du XIVème siècle.
La période qui va de 1338 à 1480 va être des plus instables et meurtrières. La guerre que livrent les Bourguignons et les Anglais contre le roi de France, la peste noire qui ravage les campagnes en 1348, les bandes de “Tard-venus” qui pillent et rançonnent, les guerres particulières que se livrent les seigneurs du coin avec, en particulier comme chef de file, le sire de Châteauvillain font fondre sur notre contrée les pires calamités. En 1425, les Bourguignons avaient pris et presque entièrement détruit la ville de Châteauvillain. L’arrivée de Jeanne d’Arc dans la destinée de la France remis les choses en place. Guillaume de Châteauvillain se soumit au roi Charles VII et obtint la reddition de toutes les places fortes situées dans l’évêché de Langres dont celle de Bricon très probablement. Celle-ci sortit du giron de la maison de Châteauvillain à cette période car en 1466 un certain Guillaume était seigneur de Bricon.
Les malheurs de nos campagnes ne s’arrêtèrent pas là. Les “pestes” et une horrible famine s’abattirent sur la région. Durant deux années, des bandes armées, connues sous le nom d’Ecorcheurs, semèrent la terreur. Des villages furent incendiés, les hommes furent massacrés, les enfants égorgés et les femmes violées. A peine ces bandes furent-elles matées par les troupes du roi que les garnisons de Chaumont et de Châteauvillain ravagèrent le pays. Après la mort de Charles le Téméraire en 1477 devant Nancy, la Bourgogne fut réunie à la couronne de France et les hostilités cessèrent entre les différentes factions. C’est pourtant à la fin de ce siècle que les habitants de Bricon furent affranchis par Philippe de Rochebaron qui devint seigneur de Rochetaillée et de Bricon après son mariage avec Catherine de Roussillon en 1495.
En 1539 Jean III de Chastenay d’Aizanville achète une partie de Bricon. Jean eut deux fils, Joachim et Gratian. C’est Gratian qui hérita du fief de Bricon et il épousa en 1562 Charlotte de Senailly, fille du baron de Rimaucourt. Celle-ci devenue veuve, acheta en 1580 le fief appartenant à René de Rochebaron et en 1584 celui dit “de Bourbonne” à la famille de Livron. Ainsi, Jean-Baptiste, fils de Gratian, hérita de la seigneurie entière de Bricon. C’est M. de Bricon qui, en 1594, fut délégué pour porter la soumission de Chaumont et des autres villes de la région au roi Henry IV nouvellement converti à la foi catholique.
Ce domaine resta à la famille de Chastenay jusqu’au XVIIIème siècle. Cette grande famille apparaît sous Louis VIII avec Evrard de Chastenay. Les descendants successifs dirigèrent leur domaine de Bricon. Jusqu’en 1642, ce fut Jean-Baptiste de Chastenay; en 1661, on mentionne Nicolas de Chastenay. En 1686, Maurice-Antoine de Chastenay épousa Blanche de Bar; en 1722 Claude de Chastenay épousa Charlotte de Raigecourt; en 1746 François de Chastenay épousa Armande de Chevisy. Le dernier seigneur de Bricon fut Nicolas de Chastenay jusqu’en 1792. On dit de lui qu’il fut très bon pour la population du village et que celle-ci, très proche de son seigneur, n’avait pas épousé la cause révolutionnaire. Ce serait pour cela que, lors de la division du département en communes, celle de Bricon ne reçut qu’une faible partie du territoire auquel elle aurait pu prétendre.
Les habitants du pays ont beaucoup souffert des différentes guerres locales que se livraient les seigneurs des environs. A l’époque des guerres de la ligue, les habitants, exposés à des dangers continuels, s’étaient barricadés dans leurs maisons. Un système de portes et de galeries permettait de passer d’une maison à l’autre par les greniers ou par les caves. Pendant plusieurs années les terres sont restées incultes. Le château à été pris et repris plusieurs fois par les garnisons de Chaumont et de Châteauvillain. Ce château existait encore à la révolution. Il fut détruit en partie en 1807 par M. Guigné. Le principal bâtiment fut brûlé par les Prussiens en 1870 en même temps que plusieurs autres maisons.
Patrick Lagrange